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FOOTBALL, HOMOPHOBIE ET VESTIAIRES

… C’est lors d’une réunion de vestiaires avec ma sélection que je fus confronté à un acte d’homophobie cruel pour celui qui en fut victime. Je découvris à cette occasion un fléau qui persiste encore aujourd’hui. Cela concernait deux jeunes joueurs qui évoluaient dans le même club. L’agresseur, un blondinet dandy extraverti et trop sûr de lui au vu de ses capacités réelles s’en était pris verbalement à son pote, un petit noiraud, un ailier droit type. Réservé, il avait des difficultés à s’ouvrir aux autres et malgré d’indéniables qualités, il ne parvenait pas à s’exprimer totalement sur le terrain. J’avais décelé un mal-être évident chez ce joueur, et constatant de surcroît un entourage familial oppressant, je ressentais chez lui le malaise que l’on observe chez les adolescents en pleine crise d’identité sexuelle. Pour moi c’était clair, mais il m’était difficile d’entrer dans sa sphère privée, ce n’était pas de mon ressort.

Pendant que l’équipe se changeait, j’avais saisi une conversation entre les joueurs ; et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils manquaient de discrétion. D’un seul coup, le blondinet flamboyant lança à la cantonade : « C’est toi qui voulais, heureusement que je ne suis pas entré dans ton jeu car je voyais bien où tu voulais en venir ! » L’autre est devenu rouge de confusion. Même Mike Tyson n’aurait pas frappé si fort ! C’était un désastre.

Tous ceux qui avaient suivi quelque peu ce dialogue avaient compris : lors d’un stage d’entraînement les deux potes avaient partagé la même chambre et, à l’occasion d’une banale  bataille de polochon, certains gestes avaient offensé le « blondinet » qui eut le sentiment d’être victime d’avances inadéquates. J’étais face à un dilemme  répète des millions de fois dans le monde, avec des conséquences différentes suivant les situations. Dans ce cas précis il m’incombait d’intervenir afin de mettre fin à un lynchage psychologique dont cet adolescent était la victime. Une intervention nécessaire tant sa vulnérabilité était perceptible.

J’ai donc immédiatement détourné la conversation en mettant l’accent sur la nécessité de se concentrer sur un match qui devenait – du coup – synonyme d’une finale de coupe du monde. J’ai tant sonorisé le vestiaire que les joueurs durent soudainement se sentir comme projetés sur la lune en se demandant ce qu’ils y faisaient. Je les ai abreuvés de consignes afin que plus personne ne puisse en placer une afin que ce cruel incident se perde dans la déshérence des mots. Bien entendu, cet accrochage verbal modifia ma composition d’équipe : je promus la victime comme titulaire alors que j’avais initialement décidé qu’il ne serait que remplaçant. Déjà qu’il se débattait dans un marasme psychologique douloureux, je ne voulais pas le détruire complètement.

Extrait de la biographie en préparation : ‘Footballeur, Gay, Asperger’

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