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JUSTIN FASHANU, QUAND DIEU N’Y PEUT RIEN (3/6)

Justin Fashanu fit appel à la religion pour le sauver après son exclusion du club de Nottingham Forest par Brian Clough, un manager homophobe à l’excès. Une tentative restée sans effet. Sa carrière périclita et il finira par se suicider.

Justin Fashanu rechercha en vain un apaisement dans la religion mais aujourd’hui, la religion s’est immiscée dans les vestiaires. Au Brésil, les Evangélistes ont pignon sur rue tant les joueurs de la « Seleçao » convertis y sont nombreux. L’un des plus emblématiques fut Kaka, le ballon d’Or 2007, qui n’hésitait pas à évoquer Jésus Christ comme sa seule idole et reconnaissait publiquement – lorsqu’il arriva à l’AC Milan – ne pas céder à la tentation de la chair alors qu’il incarne un idéal sexuel évident : « Aujourd’hui, les gens couchent les uns avec les autres sans même se connaître. La Bible explique qu’il doit exister un sentiment noble entre l’homme et la femme qui ont des relations sexuelles. Je suis fiancé avec Caroline. Elle a 17 ans et vit encore au Brésil. Je veux suivre l’exemple de fidélité de mes parents qui sont mariés à l’age de vingt-trois ans. » Kaka ne fréquentait pas les boîtes de nuit à Milan, parce qu’il avoue s’y sentir « mal à l’aise ». En cela, aucun point commun avec Justin Fashanu. Aujourd’hui Kaka est séparé de Caroline avec laquelle il a eu deux enfants.

Le culte,  un véritable spectacle

Le quotidien est rude pour la majorité des Brésiliens. Dans ce contexte, le temple évangélique n’est pas seulement un lieu où l’on peut trouver une aide sociale, c’est aussi l’unique espace de socialisation, notamment pour des femmes, qui y emmènent leurs enfants en espérant leur éviter un destin trop fréquent dans les périphéries : l’abandon du collège, une grossesse précoce ou une mort violente. Le culte est un véritable spectacle.

Au contraire des messes catholiques serinées par un curé visitant épisodiquement une communauté pour expliquer aux fidèles qu’ils doivent accepter leur quotidien comme un chemin de croix les menant à la vie éternelle, les cérémonies évangéliques sont rythmées par des chants et des témoignages en forme de catharsis. L’effet de séduction est populiste : « Dans la tradition catholique, quand on commet une faute grave, la pénitence est très exigeante, ce n’est pas le cas dans les Eglises évangéliques : le péché vient du fait que Jésus n’était pas avec vous, on efface l’ardoise facilement. » En chantant. Douces mélopées, rock, country ou même funk : il y en a pour tous les goûts.

 Alors que le Vatican délivre un message unique relayé par les prêtres, chaque Temple évangélique cible son propre public suivant une véritable logique de segmentation de marché. Beaucoup de ces Eglises se fondent sur la théologie de la prospérité, exaltant le bien-être matériel et la consommation. Le sur-mesure va plus loin encore : les supporteurs de football se retrouvent au sein des Athlètes du Christ.

En payant le dizimo, les fidèles scellent une appartenance

À la fin de chaque culte, il faut mettre la main à la poche. Jeter quelques pièces de monnaie dans un panier ne suffit pas. Un bon fidèle verse chaque mois un « dizimo », un dixième de ses revenus au pasteur dont certains font partie des premières fortunes du Brésil. Dans un contexte d’absence de l’Etat et de déstructuration de la famille, l’Eglise apparaît comme un mécanisme d’autodéfense de la communauté. En payant le dizimo, les fidèles scellent une appartenance. Et comme il s’agit majoritairement de pauvres, ce n’est pas sur l’alimentation qu’on économise, mais sur les « vices » : cigarettes, alcool, entrée au stade de football. Pour sa part, Kaka – comme bien d’autres stars – s’acquitta régulièrement de son « dizimo » pendant toute sa fructueuse carrière de footballeur. Un « dizimo » estimé à un million de dollars versés à l’église évangélique « Renascer »(« Renaissance ») dirigée par Estevam Hernandez Filho et Sonia Haddad Maraes, un couple peu catholique arrêté par le FBI pour détournement de fonds en 2006.

Quand une société est incapable de résoudre ses problèmes par la voie sociale, politique ou économique, elle finit par s’abandonner à un élément surnaturel ou un leader extrémiste. Le pasteur est là pour tenter de débusquer du corps de ses fidèles, avec force cris, le démon du chômage, celui de l’alcool, de l’échec scolaire ou de l’adultère. Ceux qui trouvent Jésus pourraient aussi guérir du cancer ou du sida.

L’influence des évangéliques dépasse largement le temple. Les élus évangéliques ont investi ces dernières décennies la scène politique. Ils ont pris conscience de leur pouvoir de communication, grâce à la popularité des pasteurs chanteurs et le poids croissant des prêches à la télévision, et ont décidé d’utiliser cette capacité de leadership dans les batailles électorales.

« Un frère vote pour un frère ». Certains leaders médiatiques sont passés maîtres dans l’exploitation de ce pouvoir en faisant la cour aux « stars » qu’ils soient artistes ou sportifs sans aucune expérience politique. Au Congrès, les députés évangéliques se retrouvent les mardis soir en réunion de travail et les mercredis matin pour une messe, tous partis confondus, pour faire avancer ou bloquer des projets de loi.

Pour ce faire, ils cherchent à occuper les postes dans les commissions traitant des thèmes de société : droits des homosexuels, avortement, drogue ou éducation sexuelle. Le plus souvent peu religieux, les évangéliques sont toutefois sensibles aux discours conservateurs. Comme les grands candidats veulent rassembler le plus largement possible et ne pas fâcher cet électorat, ils refusent de se dire en faveur du mariage entre homosexuels ou de l’avortement, même si on sait que c’est un problème de santé publique.

Qu’attendent les dirigeants de fédérations sportives pour lutter activement contre l’homophobie ?

La FIFA a sévi contre le racisme et ordonné des sanctions qui ont porté leurs fruits, mais qu’en est-il de l’homophobie ? Ne constitue-t-elle pas – au même titre que le racisme – une discrimination qui peut amener à des actes criminels, sans parler des séismes psychologiques que les victimes subissent dans une douleur impossible à partager ? Le cas de Justin Fashanu est explicite sur ce dernier point.

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