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CUBA, AU NOM DE LA FAMILLE

À Cuba, la révolution de 1959 met en place le début d’une chasse aux contre-révolutionnaires perçus comme produits de la société capitaliste et « agents de l’impérialisme ». Le 31 août 2010, Fidel Castro reconnaissait dans la Jornada, un journal mexicain, sa culpabilité pour la persécution des homosexuels : « Après mon arrivée au pouvoir, les représentants des minorités sexuelles étaient persécutés… C’étaient des moments de grande injustice… de grande injustice» Ceci sans toutefois se priver d’expliquer qu’à cette époque, les « problèmes compliqués » de son pays l’ont détourné de ceux des minorités sexuelles. « Au nom d’une moralité confuse et incertaine, les hippies, les homosexuels, les témoins de Jéhovah, les artistes idéologiquement « diversionnistes », sont envoyés dans des camps appelés Unités militaires d’aide à la production (UMAP) (…). Ils constituent la catégorie de citoyens dont la conduite est « impropre », explique le sociologue Vincent Bloch, auteur de Rôle de la terreur dans la genèse d’un pouvoir totalitaire à Cuba. Les UMAP sont en fait des « camps de concentration où des conditions de vie et des traitements étaient très rudes. Les homosexuels étaient systématiquement violés et les jeunes soldats gouvernementaux qui avaient à leur égard de la compassion étaient, eux aussi pour l’exemple, jetés dans les cellules des droits communs pour être violés à leur tour sous les yeux de leurs compagnons. Un enfer ! »

Pendant cette période les homosexuels sont bannis de l’éducation, des arts ou de toute fonction en vue. La révolution de l’île caribéenne se radicalise. Les écrivains doivent censurer leurs écrits. Parmi eux, l’écrivain cubain Reinaldo Arenas, persécuté et interdit de publication, dont l’autobiographie Avant la nuit a fait l’objet d’un film. Les dernières références homophobes sont supprimées de la loi cubaine en 1997.

Mais sur le sort réservé aux « maricones » (« pédés »), considérés comme déviants, les historiens s’accordent : « Il fallait les « transformer », c’était l’idée de l’époque (…). Même les psychiatres pratiquaient des thérapies pour les faire devenir hétérosexuels » assure Mariela Castro, nièce de Fidel Castro et militante LGBT, au journal Clarin. Psychologue et fille du président Raul Castro, y est pour beaucoup. Activiste de premier plan dans la défense des droits des gays et lesbiennes à Cuba, le Centre national d’éducation sexuelle (Cenesex) qu’elle dirige est un laboratoire actif responsable de nombreuses avancées. Qui aurait pensé que le régime castriste puisse autoriser et financer les opérations de changement de sexe de personnes transsexuelles. C’est le cas depuis 2008.

À l’initiative de la communauté gay de La Havane, des mariages symboliques entre couples homosexuels ont déjà été programmés. Un premier pas nécessaire selon elle : « À l’image de ceux qui sont ici présents, nous sommes en train de nous mettre d’accord entre militants. On estime qu’il est mieux de commencer par quelque chose de plus modeste qu’un mariage légalisé pour voir comment ça va se passer. Il s’agit de quelques couples qui souhaitent participer à cette modeste et simple célébration d’amour », explique-t-elle.

« C’est un grand pas en avant, surtout dans un pays comme Cuba, où nous avons vécu pendant longtemps sous une totale désinformation concernant l’orientation sexuelle des gens » raconte Emilio Cruz, membre de la communauté homosexuelle de La Havane. « C’est seulement depuis quelques années qu’on a commencé à parler d’homosexualité grâce à Mariela Castro qui a créé le premier centre d’éducation sexuelle. »

Pendant cette journée de fête, pour la première fois, les drapeaux arc-en-ciel de la communauté gay vont flotter au-dessus de couples d’hommes ou de femmes venus célébrer ces unions symboliques. Une célébration en musique avec le Choeur d’hommes gays de Washington qui se produira pour la première fois à La Havane, dans le cadre du rapprochement historique entre Cuba et les Etats-Unis instauré sous l’ère Obama. En espérant que Trump ne l’annule pas.

Cuba fait partie des 66 pays de l’ONU à avoir signé une déclaration en faveur de la dépénalisation universelle de l’homosexualité. Pour l’instant, Mariela Castro n’est toujours pas parvenue à faire reconnaître les droits des LGBT même si selon elle, elle bénéficie de plus en plus de soutien notamment au Parlement, où elle siège en tant que députée. Toutefois, comparée au reste de l’Amérique latine, la condition des homosexuels à Cuba paraîtrait donc assez favorable, si on ne trouvait pas régulièrement dans la presse des témoignages d’une réalité moins glorieuse. Comme celui de la BBC qui, en 2004, rapportait le lancement par la police cubaine d’une « campagne de harcèlement policier contre les homos ».

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