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L’HOMOSEXUALITÉ EN GERMANIE

Les représentations viscontiennes d’orgies homosexuelles au sein des SA (Sections d’assaut) aux déportés homosexuels marqués du triangle rose, la perception de la condition des homosexuels sous le Troisième Reich oscille entre une imagerie qui dépeint souvent le nazi en homosexuel et une réalité historique qui laisse apparaître une dictature fasciste responsable de répression féroce et sanglante de l’homosexualité. Certes, ces ambiguïtés homo-érotiques offrent certains aspects du modèle social et idéologique proposés par le mouvement nazi, tels que l’exaltation d’une domination masculine de type militaire ou encore le rôle dévolu à des sociétés exclusivement masculines comme les SA ou les SS, les Jeunesses hitlériennes ou l’armée. S’il est évident qu’il y ait des homosexuels parmi les nazis ou inversement des nazis parmi les homosexuels, cela ne signifie en rien qu’il y ait une concordance automatique entre les deux.

Dès la fin du 19ème siècle, le Reich se révéle être très en avance sur les autres pays pour tout ce qui concerne la libération des mœurs, alors que, paradoxalement, la loi condamne sévèrement l’homosexualité, notamment masculine. Une législation très loin de la réalité d’une culture germanique marquée par un grand nombres de particularités symboliques telles que l’hellénisme, le paganisme, le culte de la virilité, le jeunisme, l’eugénisme qui mène au racisme ou encore l’antisémitisme, tel que cela sera démontré lors de l’ascension d’Adolf Hitler.

Dès 1871, l’interdiction de l’homosexualité en Allemagne est inscrite dans l’article 175 du Code pénal créant ainsi une situation répressive propice aux chantages de tout genre. Ce fut le cas, au début du 20ème siècle, lorsque le Prince Philipp d’Eulenburg fut ciblé par le polémiste homophobe Maximilian Harden. En mettant en cause l’homosexualité d’Eulenburg, ce journaliste « affidé de Bismarck » mit fin à l’influence du meilleur ami de l’Empereur Guillaume II et surtout, stoppa le projet de rapprochement avec la France qu’il portait. Sa destitution entraina celle de ses amis du « parti de la paix » et ouvrit la voie aux partisans de Bismarck pour déclencher une première guerre mondiale dont le bilan sera de 10 millions de morts et 20 millions de blessés.

À l’issue de ce massacre, le combat des organisations homosexuelles pour l’abrogation de l’article175 finit par rallier le soutien du Parti social-démocrate et du Parti bolchévo-communiste, non sans dissensions en leur sein. Face à la montée du nazisme, changement de stratégie : les deux partis sacrifient sans scrupule cette position libérale démocratique au profit d’une propagande outrancièrement homophobe, jugée plus populaire et censée jeter un discrédit durable sur les Sections d’Assaut (SA) et par extension sur Hitler et les plus hauts dignitaires du parti.

Dès 1931, de virulentes campagnes de presse furent déclenchées pour dénoncer l’homosexualité notoire d’Ernst Röhm, le chef des SA qui à l’époque était le plus proche compagnon d’Hitler dans sa conquête du pouvoir. En s’en prenant à ce personnage peu recommandable, cette presse « libérale » engluée dans son opposition (justifiée) contre le nazisme entrainera, par sa dénonciation spécifique d’une différence naturelle déjà outrageusement ostracisée, une future répression qui coûtera la vie à des centaines de milliers d’innocents.

Plutôt que de s’en prendre à l’homosexualité, n’aurait-il pas mieux valut qu’à l’époque, les socialistes et les bolchévistes s’unissent pour empêcher Hitler d’être élu ? Car, il faut s’en souvenir, face à des militants de gauche qui s’entre-tuaient régulièrement dans la rue, le peuple allemand s’en remis à Hitler pour mettre fin à une anarchie chronique qui ne peut pas être attribuée aux homosexuels. Car finalement, pour consolider son pouvoir face à une gauche socialiste et communiste qui dénonçait une relation directe entre homosexualité et nazisme, Hitler a choisi de massacrer par milliers une partie de ceux qui l’avaient aidé dans sa « résistible ascension » et par soucis de cohérence des dizaines de milliers d’innocents. Tout ça, en récupérant les singularités « helléniques » que symbolise la race aryenne.

À l’époque, Hitler ne peut se permettre d’écarter Röhm qui dirige sa force de frappe principale qui compte plus de 400 000 soldats réputés pour leur brutalité face aux civils considérés comme opposants à la moindre incartade. Il doit par conséquent le soutenir régulièrement en dépit des révélations médiatiques de plus en plus détaillées de ses débauches avec des membres de sa garde personnelle. Le soutien sans faille d’Hitler offre à la gauche l’occasion rêvée d’accuser le parti nazi de duplicité et d’accréditer l’image d’une confrérie homosexuelle menaçant la nation allemande.

Après 1933, dans les conditions de l’exil, la gauche antifasciste allemande ne cesse de reprendre dans son discours adressé aux opinions publiques étrangères cette image stéréotypée, sans tenir compte des témoignages en provenance d’Allemagne qui font état de rafles et d’internements d’homosexuels en camps de concentration. Pas plus que la Nuit des longs couteaux qui répond à d’autres impératifs politiques que l’homosexualité, Hitler présente ce massacre comme le démantèlement d’un complot d’homosexuels emmené par Röhm.

La répression des homosexuels a commencé sur le terrain dès 1933, mais la liquidation de Röhm donne le signal d’une propagande homophobe intense qui offre désormais toute liberté à Heinrich Himmler de mettre en œuvre à grande échelle son programme d’éradication de l’homosexualité. Les nazis font d’emblée passer la condamnation de l’homosexualité du domaine de la morale publique à celui de l’hygiène raciale. Pour les antifascistes en exil, il ne s’agit que de règlements de comptes entre nazis homosexuels.

Progressivement, durant la guerre et surtout à la fin, avec la prise de conscience de l’ampleur des crimes nazis et de leur barbarie inouïe, le stéréotype du nazi homosexuel acquiert une consistance nouvelle, particulièrement ignoble, en prenant insidieusement valeur d’explication psychologique : seuls des pervers, des détraqués sexuels peuvent être capables de tant de monstruosité. De la même manière qu’il est fait état d’un amalgame entre pédophilie et homosexualité, une fois de plus, les homosexuels se trouvent confrontés à des impératifs politiques qui font d’eux des boucs émissaires idéaux. Une situation qui trouve son prolongement aujourd’hui avec les politiques répressives des Poutine et consorts qui donnent lieu par extension, à des internements systématiques suivis d’exécutions en Tchétchénie, une république affidée à la Russie.

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