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LÉONARD DE VINCI, L’ENVOL DE L’AUTODIDACTE (1 / 15)

Né le 15 avril 1452, Léonard de Vinci est un homme d’esprit universel à multiples facettes. S’il doit sa renommée universelle à ses qualités de peintre, celles-ci ne sont en fait en fait qu’une petite parcelle de ses capacités comme il le reconnaît lui-même dans sa célèbre lettre d’embauche envoyée à Ludovic Sforza, le Duc de Milan, en 1482 alors qu’il avait trente ans :

« Ayant très illustre Seigneur, vu et étudié les expériences de tous ceux qui se prétendent maîtres en l’art d’inventer des machines de guerre et ayant constaté que leurs machines ne diffèrent en rien de celles communément en usage, je m’appliquerai, sans vouloir faire injure à aucun, à révéler à Votre Excellence certains secrets qui me sont personnels, brièvement énumérés ici.

J’ai un moyen de construire des ponts très légers et faciles à transporter, pour la poursuite de l’ennemi en fuite ; d’autres plus solides qui résistent au feu et à l’assaut, et aussi aisés à poser et à enlever. Je connais aussi des moyens de brûler et de détruire les ponts de l’ennemi.

Dans le cas d’investissement d’une place, je sais comment chasser l’eau des fossés et faire des échelles d’escalade et autres instruments d’assaut.

Si par sa hauteur et sa force, la place ne peut être bombardée, j’ai un moyen de miner toute forteresse dont les fondations ne sont pas en pierre.

Je puis faire un canon facile à transporter qui lance des matières inflammables, causant un grand dommage et aussi grande terreur par la fumée.

Au moyen de passages souterrains étroits et tortueux, creusés sans bruit, je peux faire passer une route sous des fossés et sous un fleuve.

Je puis construire des voitures couvertes et indestructibles portant de l’artillerie et, qui ouvrant les rangs de l’ennemi, briseraient les troupes les plus solides. L’infanterie les suivrait sans difficulté.
Je puis construire des canons, des mortiers, des engins à feu de forme pratique et différents de ceux en usage.

Là où on ne peut se servir de canon, je puis le remplacer par des catapultes et des engins pour lancer des traits d’une efficacité étonnante et jusqu’ici inconnus. Enfin, quel que soit le cas, je puis trouver des moyens infinis pour l’attaque.

S’il s’agit d’un combat naval, j’ai de nombreuses machines de la plus grande puissance pour l’attaque comme pour la défense : vaisseaux qui résistent au feu le plus vif, poudres et vapeurs.

En temps de paix, je puis égaler, je crois, n’importe qui dans l’architecture, construire des monuments privés et publics, et conduire l’eau d’un endroit à l’autre. Je puis exécuter de la sculpture en marbre, bronze, terre cuite. En peinture, je puis faire ce que ferait un autre, quel qu’il puisse être. Et en outre, je m’engagerais à exécuter le cheval de bronze à la mémoire éternelle de votre père et de la Très Illustre Maison de Sforza.

Et si quelqu’une des choses ci-dessus énumérées vous semblait impossible ou impraticable, je vous offre d’en faire l’essai dans votre parc ou en toute autre place qu’il plaira à Votre Excellence, à laquelle je me recommande en toute humilité. »

S’il est aussi sculpteur, botaniste, musicien, poète, philosophe, stratège militaire ou encore architecte urbaniste de génie, Léonard de Vinci se considère avant tout comme un ingénieur scientifique qui laissera une œuvre qui peut être considérée comme la plus diversifié que le monde n’a jamais connu. Sur ce plan, il développe des idées très en avance sur son temps, comme l’avion, l’hélicoptère, le sous-marin et même jusqu’à l’automobile.

En tant que scientifique, Léonard de Vinci, organisateur de spectacles et de fêtes grandioses, a beaucoup fait progresser la connaissance dans les domaines du génie civil, de l’optique, de l’hydrodynamique ou encore de l’anatomie qui fera de lui un précurseur médical majeur. Il est rapidement devenu maître de l’anatomie topographique, en s’inspirant de nombreuses études des muscles, des tendons et d’autres caractéristiques anatomiques visibles. Il pose les bases de l’anatomie scientifique, disséquant notamment des cadavres de criminels dans la plus stricte discrétion, pour éviter l’Inquisition qui l’interdisait pour des motifs religieux.

Léonard réalise ainsi de nombreuses dissections à partir de 1487 pour composer un traité d’anatomie qui ne verra jamais le jour. Il dessinera de nombreux squelettes humains, des os, ainsi que les muscles et les tendons, le cœur et le système vasculaire, l’action de l’œil, les organes sexuels et d’autres organes internes. Il effectue les premiers dessins scientifiques d’un fœtus dans l’utérus. La précision et le soin apportés aux dessins seront inégalables avant des siècles. Léonard de Vinci est le premier a dessiner correctement les courbure de la colonne vertébrale, l’inclinaison du sacrum, la courbure des côtes, la position exacte du bassin. L’idée de représenter les corps par plusieurs vues est une innovation totale et particulièrement moderne.

Il a notamment identifié 4 cavités cardiaques dans le cœur alors que, un siècle plus tard, Vésale ou encore Descartes, n’en verront que deux. Il sera le premier à constater la rigidité des artères comme constitutive d’une crise cardiaque. L’égarement des carnets de Léonard de Vinci pendant des siècles fit que cette découverte essentielle retarda une avancée médicale qui aurait évité des millions de morts prématurées. Léonard écrit dans ses carnets : « […] Mais j’ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu’il y avait à l’intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j’ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l’interdiction du pape. […] Ce que j’ai cherché finalement, à travers tous mes travaux et particulièrement à travers mes peintures, ce que j’ai cherché toute ma vie, c’est a comprendre le mystère de la nature humaine […] » 

Son souci du détail touche à un perfectionnisme excessif qui tourne à l’obsession. Une particularité du syndrome Asperger dont il est fortement soupçonné d’être porteur qui explique ses nombreuses œuvres picturales inachevées. Une caractéristique qui lui portera préjudice tout au long de sa vie.

Obsédé par son travail, insomniaque, Léonard est adepte du sommeil « polyphasique« , c’est-à-dire qu’il ne divisait pas ses journées en deux parties, d’éveil et de sommeil, mais en plusieurs compartiments. Très productif, Léonard de Vinci dormait seulement 15 minutes toutes les 4 heures. Un rythme intense que d’autres ont tenté de reproduire en l’adaptant.

Comme artiste, Léonard observa de près les effets de l’âge et de l’émotion humaine sur la physiologie, en étudiant en particulier les effets de la rage. Il a également dessiné de nombreux modèles, dont certains avec d’importantes déformations faciales ou des signes visibles de maladie. Il a aussi étudié et dessiné l’anatomie de nombreux animaux. Il a disséqué des vaches, des oiseaux, des singes, des ours et des grenouilles, comparant la structure anatomique de ces animaux avec celle de l’homme. Il étudia également les chevaux. Son désir de voler obsessionnel lui fait entreprendre des recherches sur des machines volantes en s’inspirant des insectes et surtout des oiseaux. Léonard rédige alors son codex de Turin connu également sous le nom de Codex sur le vol des oiseaux qui sera précurseur de l’histoire de L’aviation.

La vis, dont Léonard dessine les premiers plans dans ses carnets entre 1487 et 1490, peut être considérée comme l’ancêtre de l’hélicoptère. Partant du principe que l’atmosphère est constituée d’une matière très dense, Léonard de Vinci imagine qu’une gigantesque vis sans fin tournant à très grande vitesse permettra à cette matière de s’y infiltrer afin que à celle-ci décolle et se déplace. Il s’inspira pour se faire de la vis d’Archimède utilisée dès l’Antiquité pour monter de l’eau.

À tout cela s’ajoute des qualités de musicien, de poète, de philosophe ou encore d’écrivain qui lui permettra de constituer l’entrée par laquelle on peut éclairer l’ensemble de son œuvre et de son parcours.

Pour aborder les Carnets, qui sont des notes à usage privé consignées dans des dizaines de milliers de manuscrits (estimés à 50 000 exemplaires dont près de 13 000 sont archivés actuellement), il s’impose de tenir compte du rapport à l’image de Léonard qui multiplie les productions graphiques ou picturales de Léonard. Au fur et à mesure, le texte devient plus intelligible en fonction des observations ou des visions qui se précise dans son imagination. On essaiera donc de décrypter le lien indissociable entre texte et représentation, ainsi que les écarts que Léonard s’autorise par rapport à la tradition littéraire. L’originalité de son parcours d’écrivain répond principalement à l’effort constant d’élargir et de préciser ses images mentales.

L’écrivain philosophe Italo Calvino a parlé d’une véritable « bataille avec la langue » pour ce génie qui se considérait comme « non lettré » vu sa situation de bâtard qui l’empêcha d’étudier le grec et le latin que doivent maîtriser les savants. Léonard apprendra imparfaitement ces 2 langues seulement à l’âge de 40 ans de manière autodidacte. De plus, son orthographe chaotique montre que cette instruction n’est pas sans lacune. Ainsi, toute sa vie durant, ses découvertes personnelles furent fondées sur l’observation directe de la nature, qu’il nommait  significativement esperienza.

Ostracisé au Vatican, notamment pour ses investigations d’anatomiste qui l’a conduit à disséquer des cadavres au grand dam du Pape, Léon X, il fut appelé par le François 1er qui le reconnut comme son « père ». Le Roi l’installe au Clos Lucé, à portée du château royal d’Amboise, le nomme « premier peintre ingénieur et architecte du roi » et lui confie diverses missions comme l’organisation des fêtes de la Cour, la création de costumes ainsi que l’étude de projets grandioses d’aménagement du territoire dont celui de Romorantin qui devait faire de cette ville la capitale politique du Royaume de France. Alors que les travaux de fondation avaient commencés, ils cessèrent à la mort du génial Florentin en 1519.

Le Château de Chambord semble avoir été une solution alternative à ce projet pharaonique avorté. Sorti tout droit de la pensée fertile de Léonard de Vinci, l’escalier central révolutionnaire qui dessert les deux étages et la terrasse du Château de Chambord est bien une création originale du Maître. Placé au centre du donjon, l’escalier distribue les pièces en symétrie de sorte à ce que les personnes qui descendent ne croisent jamais ceux qui montent. Ce chef d’œuvre constitue le testament artistique du Génial architecte qui ne le verra jamais sortir de terre. Quant au Château, il connaîtra sa forme définitive sous l’égide d’Henri II.

Léonard de Vinci est décrit comme l’archétype et le symbole de l’homme de la Renaissance, un génie universel, un philosophe humaniste, observateur et expérimentateur, avec un « rare don de l’intuition de l’espace » et dont la curiosité infinie est seulement égalée par la force d’invention.

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